chap2 partie 2

Publié le par Xéléniel

 

Le bureau du Roi de Démétorie était un lieu spacieux, aux murs couverts d'armes, d'armures et de fourrures, comme il était de tradition en Drakarie. Le Monarque n'oubliait pas ces racines et ne s'en cachait pas. Dans un coin, une belle cheminée façonnée chauffait la pièce qui abritait une grande table. Sur celle-ci, la carte du continent et une dizaine de têtes penchées au dessus.

Le Roi se recula et s'assit, en pleine réflexion.

-Les messagers sont-ils bien partis? Demanda t'il à un de ces aide qui venait d'entrer.

-Oui Votre Altesse, un messager pour chaque Roi.

Le jeune homme aux cheveux bruns se redressa légèrement pour regarder sur la table. Sa curiosité semblait amuser Thornéus.

-Approche Borhin, je vais te montrer.

Les généraux et conseillers se redressèrent étonnés. Ils devaient sûrement penser qu'ils avaient d'autres choses à faire que tout réexpliquer à un simple aide.

-Regarde. La passe des Orcs est ici, dit-il en désignant l'endroit sur la carte. C'est la frontière commune entre les Terres de Drakarie et celle de l’Adversaire, les montagnes du Thornor formant une frontière naturelle quasi infranchissable.

Le jeune homme acquiéssa de la tête, il savait déjà cela.

-Une grande armée se masse face à eux, dans l'ancienne forteresse de Drak'ryss, que nous avons perdu à la guerre il y a 30 ans et sera au complet d'ici un mois selon nos renseignements. Le Roi de Drakarie ne peut faire face à cela seul.

Il fit une pause et regarda tour à tour tous ces hommes.

-Pour l'instant, il a été décidé d'inviter tous les Rois en une assemblée extraordinaire pour les rallier à la cause des Drakaris mais nous risquons d'être non seulement juste en temps mais aussi en hommes. Espérer rassembler une armée suffisante pour tenir face à l'Adversaire, Darghulm, les orcs et toutes les horreurs qui peuplent le Morigard tient déjà de l'Utopie, mais en si peu de temps...

Il leva les mains en signe d'impuissance.

Un des généraux prit la parole, semblant en colère.

-Comme je vous l'ai déjà dit Votre Altesse, grogna t'il en insistant bien sur chaque mot, il faut d'abord savoir comment vont agir les autres Monarques pour ne pas envoyer seuls nos hommes au front et subir de lourdes pertes inutiles.

Borhin intervint tout d'abord d'une voix mal assurée puis avec de plus en plus de force.

-Le but est donc d'être sûr que les autres peuples vont envoyer des troupes du moins pour ceux qui sont susceptibles de s'y interresser car les elfes ne se mèlent que rarement des affaires humaines, les nains restent dans leurs montagnes et les fééries....certains disent qu'ils ont presque tous disparus.

Il s'arrêta un court instant pour rassembler ses pensées, encouragé par le Roi, qui semblait déjà savoir ce qu’il allait dire…

-L'équilibre des forces est à peu prés égal entre les Mhorrannes, les hommes des terres sauvages du Kyokhan, de Til'Denulm et de Démétorie et il y a une forte concurrence commerciale et territoriale endiguée jusque là que par la volontée du Conseil.

Il regarda son Roi qui l'encouragea du regard à continuer.

-Il faudrait faire courir une rumeur d'alliance entre la Démétorie et la Drakarie, renforcée par l'envoit d'un contingent d'hommes le plus important possible là bas. Les autres Rois ne pourront rester sans réagir et vont essayer à leur tour de gagner la faveur des Drakaris.

La femme à la droite du Roi, une de ses conseillère à en croire l'uniforme, sembla vouloir intervenir, mais Thornéus d'un regard implacable la fit taire, prenant la parole.

-Et vous pensez qu'ils vont réagir comment? Une rumeur suffira? Ils vont voir la manoeuvre...

Borhin semblait sûr de lui.

-Tout d'abord, je suis sûr qu'ils vont envoyer des hommes eux aussi, chacun essayant d'en envoyer plus que le voisin car le fait que le Conseil vient de perdre un membre n'est pas passé inaperçu. Leur puissance affaiblie, tout le monde pense qu'une alliance va naître pour prendre le pouvoir sur le continent entier. La rumeur ne sera qu'une confirmation de plus à ce que pourrait amener la conjoncture actuelle. Et c'est justement la vitesse de notre réaction qui les empêchera de comprendre ce qu'il se passe. Bien sûr, afin de cacher la manoeuvre, il faudrait qu'un autre Roi agisse en ce sens très vite, ne laissant pas le temps de la réflexion aux autres, ainsi ils seront tous engagés dans un effort de guerre important. Les Drakaris auront le soutient nécessaire et cela plus vite qu'espéré.

Le général en colère fut le premier à objecter l'idée.

-Mais quel autre Roi nous suivra si vite et comment pouvez vous être sûr que les autres Monarques vont réagir de cette manière surtout avec le danger que cela représente ? demanda t'il l'air beaucoup plus calme tout à coup.

-Général Kenran, intervint le Roi, vous agiriez de même n'es ce pas?

Le général répondit d'un sourire, Thornéus le connaissait très bien.

-C'est un précieux aide que vous avez là, dit-il en regardant Borhin. Rare sont les hommes qui auraient si finement analysé la situation... Il est vrai que les Monarques ne pourraient permettre une alliance entre Drakaris et Démétoriens sachant les liens déjà existants de Notre Altesse avec le pays. L'équilibre des forces serait alors en notre faveur et nous pourrions contrôler le continent entier, ou presque.

Je remarquais que cette idée ne semblait pas déplaire au général.

-Mais il y a aussi le fait que si la forteresse de l'Espoir tombe c'est le pays entier qui se brisera sous le joug des orcs et de l'Ennemi. Même cet égocentrique de Dir-Nehar ne peut ignorer cela.

Thornéus sourit, se rappellant sûrement la fameuse cérémonie de changement de nom de la capitale de Mhorranie, en l'honneur de son Grand Kalife. Stim y avait assisté à ma demande car je souhaitais voir les Rois qui y avaient été conviées et me tenir au courant de la situation en fouillant dans leurs souvenirs.

Cela avait été une cérémonie emphatique en l'honneur du fabulissimeux Grand Kalife Dir-Nehar, Lumière Céleste des Septs déserts etc... poussant à l'excés les honneurs, jusqu'au ridicule, ce qui bien sûr n'était pas le but. Je n'avais jamais autant ris.

Borhin leva fièrement la tête.

-Général, je vous remercie d'entériner une simple idée et de me complimenter mais je pense que le temps est compté et qu'il vous faut agir au plus vite.

Il avait manoeuvré avec finesse faisant accepter de la sorte son idée et je fus curieux de connaître ce jeune homme. Je me plongeais dans ses souvenirs, cherchant un moment fort de sa vie.

 

 

La nuit est chaude et les flammes de la caravane sont proches. Borhin est allongé au sol, visage contre terre, une profonde blessure à la tête saigne abondemment. Plus loin, les corps mutilés et violentés de ses parents, frères et soeurs.

Une famille de marchand de Til'Stol. Je reconnais les symboles à moitié déchirés de ceux qui ont la réputation d'être les meilleurs et les plus cultivés des commerçants du continent.

Un bruit sur la droite, les elfes noirs sont encore là, pillant ce qu'il reste. Il les observe. C'est la première fois qu'il en voit.

Ce sont des mâles à la peau noire charbon, comme tous ceux de leur race, les cheveux et les yeux blancs, une lueur de sadisme éclairant leur regard. Il est rare qu'ils laissent des survivants.

C'est alors qu'arrivent plusieurs caballsyss au galop. Des caballsyss dans ce désert! Ces créatures semblables aux chevaux mais bien plus rapides sont des montures chères et peu adaptées au climat... Mais je reconnais ce visage en colère, c'est Thornéus.

Je comprend qu'il se rend à la capitale Mhorranne pour la cérémonie de Dir-Nehar, il y a trois ans.

L'épée au clair, un cri de guerre accompagnant ses gestes précis et puissants, il massacre les elfes dégénérés cherchant la femelle, car c'est toujours une femelle qui dirige dans cette sociétée de matriarcat.

Un homme se penche sur le pauvre Borhin et s'écrie:

-Un survivant Majestée! Mais j'ai peur qu'il soit le seul...

 

 

La discution avait reprise dans un coin du bureau mais je me désinterressait de la conversation. La mission de Drakahen l'avait mené dans une auberge...

 

 

 

*****

 

 

 

Les nouvelles des récents évènements n'étaient pas encore parvenus au peuple et c'était avec l'enthousiasme habituel qu'il fêtait le dernier des trois jours de la nouvelle année, mais aussi du nouveau siècle.

Un petit orchestre composé de bardes occupait en partie l'ambiance sonore. Ici, un nain des collines à la cornemuse ;  une elfe des bois au chant, les cheveux châtains parés de feuilles et de fleurs; une créature étrange, humanoïde, à la peau bleutée, qui tapait joyeusement sur les percussions; un humain à la flûte et un Mhorre couvert de tatouages concentré sur sa cythare. C'était une chanson entraînante gracieusement chantée par l'elfe et reprise en choeur par l'assemblée.

 

Je m'en allais par les chemins chercher l'aventure (bis)

Et je trouvais dans un recoin une elfe parée de verdure (bis)

 

Quel est donc ta route?

Quel est donc ton dessein?

Nous vivons des aventures

Menés par le Destin.

 

La légendaire forêt d'Emeraude nous attire par ma foi (bis)

Nous irons tout là bas vaincre la sorcière des bois (bis)

 

La chanson continuait ainsi narrant les différentes péripéties d'un groupe d'aventuriers.

Au fond de l'auberge, prés de la cheminée à une table couverte de plats vides et de chopes qui subissaient le même sort, le niveau sonore atteignait son paroxysme. Des nains.

L'un d'eux, un nain des collines (beaucoup plus petits et larges que ceux des montagnes) était monté sur la table et dansait joyeusement, accompagné des rires et des claquements de mains des spectateurs. Vidant sa dernière chope, un autre nain, des montagnes celui là, grimpa à son tour aux cotés de son compagnon.

Malgré le bruit et les rires, Drakahen, qui observait de l'entrée la joyeuse bande, entendit le craquement qui accompagna un saut particulièrement lourd des danseurs.

En quelques instants, table, bancs, chopes et plats vides se renversèrent pêle mêle sur les nains, provoquant le fou rire de l'assemblée.

La musique s'interrompit et l'on entendit la femme de l'aubergiste débouler dans la salle.

-Mais v'là t'y pas qu'y m'ont cassé ma table !!! Bande de soulards! Vous z'allez me payer ça et bien vite fait que j'vousl'dirai pas deux fois!! aboya t'elle.

Avec un langage fleuri et le balais à la main, elle asséna des coups aux nains titubants pris d'une hilarité incontrolâble.

Drakahen se rapprocha tant bien que mal de la femme en colère et lui agita une bourse sous le nez. Comme par enchantement, elle cessa tout mouvement agressif et fit un grand sourire édenté au guerrier.

-Alors mon beau pirate, t'y veux payer pour ces videurs de tonneaux?

Les nains s'étaient relevés et regardaient, souriants, Drakahen qu'ils avaient l'air de bien connaître.

-Il y a de quoi vous payer quelques tables et une tournée de votre meilleure bière pour nous.

Elle lui fit une courbette maladroite et les installa à une autre table. La bière ne tarda pas, surtout quand elle soupesa la bourse et l'ouvrit, les yeux pleins d'étoiles.

Revenons-en à nos nains et laissons la femme de l'aubergiste rêver à sa nouvelle robe, car c'est sûrement à cela qu'elle songeait.

Il y avait deux nains des collines, ventripotents, bruns, à la barbe courte et soignée, de lourdes boucles entourant leurs visages rieurs. Tilbin Grandebouche avait de grands yeux verts et une pipe en permanence accrochée à sa lèvre qui ne cessait de remuer car c'était un grand bavard. Albin Jambeleste semblait plus jeune, une soixantaine d'années tout au plus et buvait sa bière avec délectation.

Les nains des montagnes étaient des frères à n'en point douter, leurs visages semblables cachés en partie par une longue barbe rousse tressée et des cheveux de la même couleur criarde parfaitement indisciplinés. Krugan était le plus jeune et le plus mince, fêtant en ce jour ces 140 ans, son frère Kullkaï Klakporte ayant 30 ans de plus.

Drakahen avalait tranquillement sa bière en silence, laissant discourir Tilbin lorsque Kullkaï, dont la patience n'était pas la principale qualité fit taire son compagnon d'un coup de coude qui lui coupa le souffle.

-Vas-tu enfin nous donner de tes nouvelles mon ami? Car si tu n'arrêtes pas Tilbin Grandebouche, il ne cessera ces jacasseries!

Drakahen sourit, profitant quelques secondes encore de l'insouciance de ses compagnons.

-Je vais bien, mais je n'apporte pas de bonnes nouvelles. Je viens pour affaires.

La voix grave et profonde de Drakahen avait fait disparaître le sourire du visage des nains.

-Je ne peux vous révéler les détails, mais j'ai besoin d'êtres d'expérience pour une mission d'où l'on risque de ne pas revenir.

Les deux frères se regardèrent rapidement et répondirent d'une même voix:

-On vient !!

Publié dans Miroir des Chimères

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