chap2 partie 4

Publié le par Xéléniel

Les instructions principales avaient été données et Borhin s’était vu confié la responsabilité de lancer la rumeur d’une entente entre les Drakaris et les Démétoriens. C’était chose facile pour lui qui connaissait beaucoup de marchands et de bardes. Il savait à qui en parler pour être sûr que le «secret» se répandrais comme une traînée de poudre sur tout le continent.

Contrairement à ce qu’ils pensaient, les Rois n’étaient pas les seuls à user des services de Messaliens. Les marchands les plus riches qui suivaient avec intérêt tout évènement pour en tirer profit, avaient un réseau solide d’échanges d’informations digne du légendaire réseau d’espion des Til-Denulms.

Thornéus faisait semblant de ne pas en connaître l’existence. Il avait une identité secrète parfaitement efficace qui lui permettait de faire main basse sur toutes informations et de donner un coup de pouce à Borhin dans le cas présent.

Dans deux jours, il enverrai tous les hommes disponibles en direction de Drakarie, priant les Dieux avec ferveur pour que le plan mis en place avec son jeune aide soit efficace. Le garçon avait senti le vent tourner lors de la fuite du Sage Darghulm avec le précieux miroir d’Histul et ils avaient déjà prévu que ce genre de chose pouvait arriver… Heureusement qu’ils avaient réfléchi à la parade. Thornéus se mit à penser que Borhin aurait fait un fabuleux roi.

Il était assis à son bureau, affinant ses stratégies lorsque Relg entra.

-Il ne va pas falloir tarder à aller à la salle du Conseil.

Thornéus releva la tête, plongeant son regard dans celui de son frère qui lui avait sauvé la vie il y a quelques années.

-Toutes les personnes au courant pour la prophétesse… commença le Roi.

-…sont tenues au secret. Oui mon frère. J’ai prit soin de faire croire aux curieux que c’est bien Liaden la porteuse de la Voix, comme cela avait été prédit il y a cent ans. Il est plus sûr pour Eléanee qu’elle ne soit pas soupçonnée.

La fin de sa phrase était perdue dans un murmure. Relg semblait songeur.

-A quoi penses-tu petit frère?

Il tiqua à l’appellation de «petit frère». Mais son inquiétude reprit vite le dessus.

C’est elle qui m’a fait naître. Elle nous a soigné et a couvert les plus grosses bêtises que j’ai commises dans ma jeunesse.

Thornéus se mit à rire.

-C’est vrai que tu en as faite de belles! se moqua t’il.

Mais l’homme ne riait pas.

-J’ai peur pour elle.

Thornéus reprit son sérieux.

-Je sais mon frère, et malheureusement tu as raison. Elle a un lourd fardeau à porter, mais il nous faut garder espoir ou nous ne pourrons lutter contre l’Adversaire.

Il se leva et se rapprocha de Relg.

-Malgré le pouvoir que je peux avoir en étant Roi, je ne peux rien faire contre une décision prise par les Dieux eux même. J’aurais aimé pouvoir lui épargner cela autant que toi mais ni toi ni moi ne pouvons y changer quelque chose.

Il marqua une pause, retournant de l’autre côté du bureau, s’apprêtant à lui demander quelque chose.

-Je sais ce que tu vas me demander.

Relg avait réussi à le décontenancer. Décidemment, son frère était très perspicace.

-Avec Darghulm qui nous a trahit, j’ai peur qu’il y ait des taupes dans notre entourage. Je ne peux confier cette mission à n’importe qui.

Relg sourit.

-J’ai préparé mes affaires et dit au revoir à ma femme et mes enfants. Je pars pour les Terres du Kyokhan dès ce soir et vais essayer de convaincre le Roi Akin’Tse Khan d’agir pour le mieux.

Avant que Thornéus ne puisse dire quoi que ce soit, on frappa à la porte.

-C’est le moment dit Borhin en s’adressant au Roi.




******




Le soir commençait à tomber sur la ville joyeuse, retentissante des cris de joie et des rires des milliers de personnes faisant la fête dans les rues.

Eléanee devait se rendre au bureau de Liaden, y emmenant pour la première fois Drakahen.

Ils se retrouvèrent sous les arcades, alors que le soleil se couchait en de chauds rayons dorés derrière l'enceinte du bâtiment.

Elle était étrangement nerveuse, pas comme jusqu'à maintenant -inquiète de sa situation de prophetesse- mais comme si elle redoutait un faux pas, ou de mal s'exprimer.

Lorsqu'elle le vit enfin, sortant d'un couloir adjacent, son coeur s'emballa quelques instant, sa nervosité redoublant.

-Ca va Eléanee? Lui demandais-je, n'osant m'introduire dans ces pensées de peur de la fâcher.

-Oui, murmura t'elle, mais là c'est pas le bon moment pour me poser des questions s'il vous plait.

Sa voix tremblotait un peu et je me tûs, déconcerté, regardant sans trop comprendre le pirate devant elle. Je surpris son regard tendre et je cédais à la curiosité.

C'est avec les yeux de Drakahen que je la vis avancer sans l'allée.

La lumière chaude du soleil donnait à ces cheveux l'éclat de l'or cuivré en fusion, cascadant sur ces épaules en douces boucles. Son visage était celui d'un ange intimidé, bouleversant de beauté et de simplicité. Il admira la courbe de sa mâchoire, s'arrêtant un instant sur son menton délicat puis sur ces lèvres pleines qui semblaient d'une infinie douceur.

Il ne pensait plus à rien en cet instant qu'à cette image d'elle, mais je sentis en lui une tristesse amère que je ne pouvais comprendre.

A ce moment là, arrivèrent plusieurs choses nouvelles pour moi, extremement inattendues et désagréables : je sentis physiquement le corps de Drakahen et ressentis de l'amour.

Je lâchais l'esprit du pirate, terrifié, figé dans une incompréhension totale, abasourdi.

Eléanee s'arrêta aussitôt, interdite, ayant surement ressenti une partie de mes émotions.

-Qu'es ce qui se passe? s'étonna t'elle à voix haute, inquiète.

-Quoi ? Rétorqua doucement Drakahen s'approchant d'elle soucieux.

-La Voix a un problème je crois... je ne comprend pas.

J'essayais de me calmer, de prendre sur moi pour réussir à lui répondre.

-Excuse moi Eléanee, je ne sais pas trop ce qu'il s'est passé, mais ce n'est rien, la rassurais-je.

Nous commencions juste à réussir à nous entendre et elle à m'accepter. Je ne voulais pas l'effrayer plus encore. Cette sensation disparut immédiatement, me donnant l'impression de n'avoir jamais existé. Je décidais de ne pas m'en occuper pour le moment et reportait mon attention sur ma porteuse.

Elle leva son visage vers Drakahen qui ne se tenait qu'à quelques centimètre d'elle. Son coeur eu encore un raté, ça devenait ridicule.

-Tout va bien, bafouilla t'elle comme s'excusant, c'est ça d'avoir une sangsue accrochée à son cerveau finit t'elle avec un sourire.

Le rire du pirate fut doux et bref, ces yeux sombres se fixèrent dans les siens et il retrouva sa gravité.

-Vous êtes courageuse et je suis certain que le Destin ne vous a pas choisit pour rien Eléanee. Je vous promet que je vous aiderais de mon mieux dans votre tâche, nous vous aiderons tous.

Ce qui aurait dû la rassurer, pourtant...

-C'est exactement ce que je ne veux pas, s'énerva t'elle soudain, s'éloignant d'un pas, je ne veux aucune aide, aucun sacrifice, je ne veux pas que des gens soient blessés ou tués pour me protéger. Je refuse qu'il vous arrive quelque chose à cause de moi, je ne supporterai pas de vous perdre Drakahen!

Elle se tût en portant la main à sa bouche, sidéré d'avoir dit cela à voix haute. Elle rougit immédiatement, se détournant du guerrier, les larmes au bord des yeux.

D'un geste tremblant, il effleura sa joue, frôlant son menton, le relevant en douceur, la forçant à le regarder dans les yeux. Il se pencha lentement vers elle alors que leurs deux coeurs s'affolaient à l'unisson, tout proches, si proches ...

-C'est votre Destin, et, il vous faudra l'accepter, c'est le notre aussi. Nous sommes tous volontaires et si nous pouvons donner notre vie pour une noble cause, alors c'est heureux que nous le ferons...que je le ferais Eléanee.

Elles se détourna de lui, troublée, la respiration courte, mais déterminée.

-Alors allons y et finissons en, dit elle d'une voix ferme.

Sa décision était prise, elle devait se montrer courageuse, aussi courageuse que lui.

Pfff, ces humains et leurs hormones... des complications en perspective!

Elle se dirigea dans un petit coin retiré du temple au bout d’un couloir gardé par une porte des plus banale mais qui ouvrait sur une pièce à couper le souffle.

En quelques décennies, Liaden, dont le don pour transformer une pièce vide en véritable chaos désorganisé était devenu un art parfaitement maîtrisé; donc, cette millénaire d’elfe avait entassé un fatras d’objets divers, de parchemins, de livres, de plantes exotiques poussant en toute liberté et d’étrangetés indéfinissables dans cette pièce autrefois grande et lumineuse.

Un étroit passage menait jusqu’à une table surchargée et un espace sûrement dégagé spécialement pour l’occasion. C'est pourquoi l'elfe avait deux bureau: le premier lui servait à recevoir, l'autre n'étant pas... présentable.

-Ce n’est pas possible s’exclama Drakahen en observant les piles d’objets en équilibre touchant le haut plafond. Tout cela tiens par magie n’est ce pas?

Liaden semblait affairé à chercher quelque chose derrière elle et répondit distraitement quelque chose comme «Oui, bien sûr.»

Dans un coin de la pièce, il y avait un bien étrange couple. L’un était un Mhorre aux traits acérés, le regard toujours en mouvement, ces yeux, d’un bleu étonnant ayant une lueur d’acier. L’autre était sûrement sa compagne car ils portaient tous deux une alliance et se tenaient discrètement la main. Elle avait une chevelure sombre aux reflets violacés et ce même regard en mouvement qui semblait disséquer et analyser chaque chose et chaque personne présente.

-Je te présente Izbâam et Djésalin dit rapidement Liaden, faisant tomber une immense pile d’objets d’un mouvement brusque.

Bizarrement aucun objet ne se cassa car ils ne touchèrent jamais le sol. Sous les yeux éberlués de Drakahen ils retournèrent même à leur place dans la pile.

Mais le comportement d’Izbaâm m’intriguais, car il n’avait pas bougé d’un pouce durant l’accident. Il devait sûrement bien connaître les habitudes maladroites de Liaden.

-Qui es-ce? pensa Eléanee aussi curieuse que moi.

Je me plongeais en l'elfe.

-C’est un ami de Liaden, un Mhorre qui vivait dans le désert. Il a tiré Liaden d’un mauvais pas et l’a suivie ici où il a rencontré sa femme Djésalin.

Voici une partie de ce que j’avais vu.


Le désert. Il y a un soleil de plomb et Liaden renverse les dernières gouttes de sa gourde sur le sable avant de s’écrouler.

-Quelle idiote de vouloir étudier ce désert, souffle t’elle. Maudis elfes noirs!

Son corps est couvert de blessures et les charognards volent en cercle au dessus d’elle dans le ciel d’un bleu impitoyable.

C’est il y a vingt ans environ, avant qu’elle ne parte en Démétorie. Un jeune garçon arrive à dos de dromadaire. C’est Izbâam.

Plus tard, dans une grotte sombre, il soigne l’elfe.

C’est un lieu tout à fait étonnant, rempli d’objets précieux et de tapis finement ouvragés, des armes de toutes sortes accrochés aux murs. Liaden reprend conscience.

Quelques semaines après, il fait nuit, et le Mhorre et l’elfe fuient à dos de chameau, une dizaine d’elfes noirs à leur trousse.


Tout à coup, on entendit l’exclamation de Liaden.

-Enfin!! J’ai trouvé!

De dessous une pile qui semblait être des montres et des boussoles, elle sortit une petite boîte emballée soigneusement dans un précieux tissu vert qu’elle rangea dans son sac.

-Et on va être en retard à cause d’une petite boîte! reprocha Drakahen.

Liaden le toisa un sourire mystérieux aux lèvres et se dirigea vers la sortie.

-Bon, dépêchez vous!! On va être en retard.

Publié dans Miroir des Chimères

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