chap 3 partie 1

Publié le par Xéléniel

Ils étaient enfin partis dans la douceur de la nuit. La pleine lune éclairait le chemin quittant la majestueuse ville de Démétor où s’engageaient nos huit compagnons.

Drakahen portait sa tenue habituelle ressemblant étrangement à celle d’un pirate avec son foulard sur les cheveux. Son sabre au côté, il chevauchait tranquillement aux côtés de Sylberal. Elle avait revêtu un gilet et un pantalon de cuir vert renforcé de plaques de métal qui mettait en valeur ses formes et pour plus de discrétion elle avait jeté sur ses épaules une cape sombre qui cachait tant bien que mal les deux sabres qu’elle maniait si bien. Ils chevauchaient tous deux sans un mot, attentifs au moindre mouvement quelques mètres devant la troupe.

Les nains, derrière eux, échangeaient avec enthousiasme leur avis sur la beauté de la nuit, Kullkaï allant même jusqu’à déclamer un poème nain à Relg qui s’était rapproché pour lier connaissance. Je vis Relg essayer de garder son sérieux devant ce nain poète avec son harnois, son casque et la hache à double tranchant qui dépassait dans son dos.

Le frère du Roi portait une magnifique cotte de maille que je soupçonnais être de fabrication elfique par la finesse de ces finitions ainsi qu’une cape d’un lourd tissus végétal, le linus, ayant pour particularité de s’adapter continuellement à la température extérieure pour que son porteur n’en subisse pas les inconvénients.

A l’arrière, Liaden et Izbâam discutaient à mis voix, échangeant de vieux souvenirs d’aventure. La Haute elfe resserra sa cape grise autour d’elle en regardant Eléanee, seule à quelques pas devant elle. J’avais oublié cette tendance qu’ont les gens à laisser le prophète seul, comme s’ils avaient peur d’interrompre une conversation…

-Qu'es ce qui t'arrives? lui demandais-je.

-C’est la première fois que je pars « en mission » et même si je ressens l’excitation générale, je ne peux m’empêcher de me dire que je ne suis pas à ma place parmi tous ces héros.

-Des héros? Qu’est ce qui te fait pense qu’ils le sont?

Elle bougea sur sa selle, essayant de trouver une position plus confortable.

-Ce sont des guerriers renommés qui ont tous réalisé de hauts faits d’arme ou de magie. Je ne sais pas me battre et je ne suis pas magicienne. Je ne suis qu’une soigneuse, demi elfe de surcroît.

On touchait au problème.

-Eléanee, ma chère amie, la Loi…

-La loi ne fait pas tout, me coupa t’elle.

Je sentais sa colère qui revenait et semblait bouillir dans ses veines.

-Je sais que vous avez fait de votre mieux en abrogeant les lois raciales mais ce n’est pas parce que l’on permet à des gens comme moi d’exister que cette existence est acceptée par tous. Je n’ai jamais eût ma place en ce monde alors comment voulez vous que je la trouve au sein d’une mission pour sauver des gens qui me haïssent!

L’intervention de Listaël l’avait plus fortement marquée que je ne l’avais cru, et je compris qu’elle n’était pas la seule à avoir agit de la sorte avec Eléanee.

-Et maintenant, continua t’elle, je dois me rendre chez les elfes, eux qui n’ont pas voulu recueillir mon père, leur propre Roi parce qu’il était tombé amoureux d’une humaine et qu’il avait eu ce qu’ils ont appelé une aberration de la nature!!! Ils sont encore plus intolérants que les humains.

Je ne pouvais la contredire. Les Hauts elfes en particulier avaient une mentalité répugnante pour ce qui est du mélange des races. Ils arrivaient déjà difficilement à supporter les échanges avec les elfes des bois, leurs frères qui vivaient avec eux…

-Eléanee, je te comprends, j’aimerais pouvoir effacer tout ce qu’il t’est arrivé, voire "effacer" les gens qui ont été si intolérants…

Elle sourit légèrement.

-Mais ils ne sont pas tous comme cela. Regarde Liaden… et crois moi, tu auras d’autres bonnes surprises encore.





****


Sarakan et Péryss étaient eux aussi sur la route accompagnés de Tilbin et Albin, qui bavardaient joyeusement avec l’élève.

-Comme cela va être agréable de retourner dans notre pays! Je suis sûr que nous allons être accueillis comme des princes s’écria en riant Tilbin qui flatta d’une tape la croupe du caballsyss et bomba le torse.

-C’est tonton Smiglin qui va être vert de rage lui qui a toujours dit:«Vous ne réussirez rien de votre minable petite existence!» singea t’il d’une voix de vieillard aigri.

Ils partirent d’un grand éclat de rire en traversant la ville et riaient encore en s’engageant sur la grande route.

La joie des deux nains faisait plaisir à voir et même l’indéridable Sarakan finit par sourire. Les petits hommes portaient avec fierté le costume officiel des ambassadeurs de Démétorie composé d’une tunique à manches longues brodée de fils d’or, représentant sur le torse les armoiries du Roi Thornéus. Les couturières avaient fait des miracles en si peu de temps car elle était presque parfaitement ajustée à leurs rondeurs.

Sarakan portait sa vieille tunique rapiécée qui faisait un peu misérable en comparaison. Il ne cachait plus son impatience.

-Bon, c’est bien gentil tout cela mais on ne nous a pas prêté des caballsyss pour que nous les fassions marcher au pas. Nos missions sont urgentes alors messieurs, en avant!!

Son caballsyss n’attendit même pas le coup de talon de Sarakan pour se lancer.

A l’arrêt, cette sorte de cheval était déjà impressionnant par sa stature, la fierté de son port, son pelage or, argent ou plus rarement cuivré et ses étonnants yeux, pareils à des gemmes pures de la plus grande beauté.

A la pointe de sa vitesse, il donnait une autre ampleur au mot célérité. Avec un bruit de tonnerre, ses sabots frappaient le sol puis au fur et à mesure de la puissante accélération, le bruit disparaissait et les chocs aussi, donnant au cavalier l’impression de voler dans un paysage flou.

Peu discrètes mais extrêmement rapides, ces montures d’une grande intelligence étaient aussi d’une grande rareté, faisant s’élever leur prix à des hauteurs indécentes.


Ils ne tardèrent pas à arriver aux frontières de la Démétorie, décidant de prendre un peu de repos pour repartir tôt le lendemain.

L’auberge du petit village où ils s’arrêtèrent était simple et propre. L’aubergiste reçut les voyageurs et leurs quatre montures avec sympathie et resta muet d’admiration devant les caballsyss qu’il s’empressa d’emmener à la meilleure place de l’écurie. Il appella même son fils qu’il envoya avec une grande épée garder les créatures pour plus de sécurité.

Le jeune homme, un rude gaillard au demeurant, passa deux heures à prendre soin des bêtes, fou de joie.

Dans l’auberge, il régnait une ambiance bien plus festive qu’à l’accoutumé et je soupçonnais les nains d’y être pour quelque chose.

Sarakan et Péryss s’étaient attablés au fond de la petite salle commune. L’élève souriait, dévorant à pleine dents une belle cuisse d’oie rôtie au miel et regardait les nains à quelques tables de là, comme tous les clients de la salle d’ailleurs.

Ayant chacun une lourde chope de bière à la main, ils entonnèrent une chanson à boire des plus connue, vidant à chaque couplet une chope supplémentaire.

Le regard de Sarakan se porta discrètement sur un coin de la salle où un petit groupe de voyageurs discutait à mi voix. Ils étaient arrivés quelques heures après eux et semblaient observer les nains.

-Maître? chuchota t’il en levant sa chope devant ses lèvres.

-Oui Péryss.

-Vous avez remarqué les quatre hommes qui observent nos bruyants amis?

Sarakan leva à son tour sa chope.

-Oui Péryss, mais ce qui m’intrigue c’est qu’ils ne sont pas tous humains.

-J’ai remarqué aussi. Au moins l’un d’eux est un orc. Il y a aussi un elfe noir et un humain. Le quatrième est leur chef mais je ne sais pas ce qu’il est. Je pense que se sont des espions de l’Adversaire car les espions de Til Denulm sont adossés au comptoir.

Trois humains semblables aux autres buvaient une bière en chantant avec les nains. Je me demandait ce qui avait fait dire à Péryss que c'étaient des espions quand je remarquais les coups d'oeils trés discrets qu'ils jetaient sur chaque personne présente. Les Til Denulmiens sont les plus fort à ce petit jeu là.

Rencontrer si loin dans les terres des créatures comme des orcs ou des elfes noirs étaient rare, les marchands comme eux (un peu commune la couverture) n'aimaient pas se mêler aux humains en général.

Les nains finirent par aller se coucher, marquant la fin de la soirée.

Péryss resta éveillé les quelques heures où son Maître se reposait, écoutant le moindre bruit. Lorsque Sarakan prit sa place, il devait être trois heures du matin et cela commença à peine une demi heure plus tard.

Un craquement dans le couloir.

Une porte s’ouvrit lentement et des pas discrets s'ensuivirent. Ils se rapprochaient de la chambre des nains. D’un geste rapide le vieux guerrier réveilla le jeune homme et ils dégainèrent leurs armes.

Trois des quatre créatures étaient là, l’elfe noir, l’orc et l’humain. Ils progressaient lentement dans le couloir, armes en main et finirent par s’arrêter devant la porte des nains qu’ils crochetèrent sans remarquer les deux ombres derrière eux qui les suivaient.

Lorsqu’ils entrèrent dans la chambre (la plus luxueuse et spacieuse de l’auberge) ils furent surpris d’entendre claquer la porte derrière eux.

La seconde qu’ils perdirent leur fut fatale.

D’un coup d’estoc précis, le jeune et souple guerrier perça les poumons de l’elfe noir qui produit un gargouillis dégoûtant en s’écroulant. Sarakan quant à lui venait de passer à côté de l’humain qui s’écroula la gorge tranchée. L’orc voulu geindre mais encaissa un puissant coup de pied dans le ventre qui lui coupa le souffle et fut transpercé en deux endroits vitaux par le Maître et l’élève.

J’étais admiratif. Ils avaient tués trois espions de l’Adversaire en quelques secondes et sans un bruit. D’ailleurs les nains ne s’étaient même pas réveillés, mais je me doutais que la quantité d’alcool qu’ils avaient absorbé y était pour quelque chose.

-Où est le quatrième? chuchota Péryss.

Ils se regardèrent quelques secondes, pensant soudain à la même chose.

-Descend vite voir comment va le fils de l’aubergiste qui garde les caballsyss, mais méfie toi, ordonna Sarakan, je te rejoins avec les nains.

Le jeune guerrier prit quelques secondes pour s’habiller et descendit le plus silencieusement possible les marches qui menaient à l’écurie, derrière l’auberge.

La cour était vide et plongée dans l’obscurité, la lueur de la lune n’éclairant que faiblement les murs.

Péryss ferma les yeux pour se concentrer sur les bruits alentours. Je sentais la créature tapie sous un préau, une énergie sombre et qui n'appartenait pas à ce monde l'entourait. C’était un demi démon!

Je ne pouvais rien faire pour prévenir Péryss, ni le fils de l’aubergiste allongé dans l’entrée de l’écurie, l’épée à la main, profondément endormi.

Je haïssais les demi démons. C’était des créatures répugnantes bien que d’aspect proche de leur demi race et généralement d’une grande beauté. Celui-ci avait d’étranges yeux sombres éclairés d’une lueur de sadisme, pire encore que chez les elfes noirs. Il était à moitié humain et avait de long cheveux noirs et frisés, plutôt mince et musclé. J’en avais déjà vu des moitiés elfe noir qui étaient de puissants magiciens du mal et bien que celui-ci soit plus faible, rien ne pourrait l’arrêter.

C’était mon fardeau. Je pouvais assister à tous les évènements des gens avec qui j’étais lié sans jamais pouvoir intervenir. Je croisais mentalement les doigts.

Péryss ouvrit les yeux. Il commença à s’avancer vers l’écurie. Il avait dû repérer son ennemi car il manoeuvra pour l’approcher par derrière.

Il aurait fallu un miracle pour qu’il réussisse.

Une dague fendit l’air et se planta dans le bras gauche du jeune guerrier qui gémit de douleur. Il avait de très bons réflexes car la créature avait visé le cœur.

Péryss s’avança bravement et porta un puissant coup d’estoc au demi démon qui s’évapora sous ces yeux. L’épée toucha et renversa avec fracas un tas de seaux et d’outils, ce qui eut pour effet immédiat de réveiller la plupart des gens de l’auberge.

Péryss comprit immédiatement ce qu’il en était et même s’il n’avait encore jamais eu affaire à un demi démon, il sût qu’il ne pourrait avoir le dessus.

Dans l’auberge, un autre vacarme retentit, de cris et de meubles fracassés.

Le jeune élève sentit un léger courant d’air sur sa droite et eut encore une fois un réflexe qui lui sauva la vie. Il s’accroupit par terre, évitant une nouvelle dague qui se planta violemment derrière lui.

C’est ce moment que choisit le fils de l’aubergiste pour émerger de son sommeil. Ne se doutant de rien, il sortait de l’écurie, l’épée dans une main en se frottant les yeux.

Péryss ne put que crier.

La créature apparut derrière le jeune homme encore endormi et d’un large mouvement lui trancha la gorge. Le sang jaillit, s’échappant sans pitié du corps de ce pauvre garçon qui avait rêvé qu’un jour il deviendrait un grand guerrier.

Le cri d’alerte résonna dans le silence qui suivit. Péryss était paralysé d’horreur. Le demi démon sourit en s’avançant vers sa future victime, léchant la lame de son couteau couverte de sang.

Des voix résonnèrent et des pas dans l’escalier. Une porte s’ouvrit en même temps, laissant apparaître l’aubergiste en pyjama, une lampe à huile dans la main. Il vit l’horreur de la scène, la créature qui tenait encore la dague qui avait égorgé son fils et Péryss blessé. Avec un hurlement de rage, il jeta la lampe vers le demi démon qui s’évapora à nouveau.

Les nains apparurent affolés, suivis de quelques clients peu habitués à tant d’animation.

La douleur était terrible et Péryss sentait son esprit s’embrumer petit à petit. Il eut à peine le temps de voir l’ombre du tueur à ces côtés et n’esquissa pas un mouvement lorsqu’il sentit la dague dans son dos. Il attendait la mort puis s’aperçut qu’elle ne venait pas. Un mouvement derrière lui attira son attention. Se retournant, il vit son Maître contempler le corps sans vie de la créature, une épée en travers le corps.

Les hurlements de la mère du jeune homme égorgé finirent d’éveiller tout le monde.

Sarakan demanda de l’eau et des bandages, fit s’asseoir son élève sous le choc qui ne pouvait quitter des yeux le pauvre garçon qui avait si gentiment veillé sur les caballsyss.

-Tu survivras, dit Sarakan à son élève en finissant de le soigner.

-Je suis désolé Maître, j’ai échoué.

Sarakan leva la tête vers le jeune homme et le regarda des plus sérieusement.

-Survivre lors d’un combat contre un demi démon est un vrai exploit, lui chuchota t’il.

Il ne put cacher son étonnement et se rendit compte à quel point il avait eu de la chance. Un demi démon ne pouvait signifier qu'une chose, l'Adversaire était sur leurs pas.

-Merci Maître de m’avoir encore sauvé la vie.

-Tu y penseras la prochaine fois où tu me sauveras la vie à ton tour!

Il ne fallut que quelques heures à Péryss pour se sentir en état de chevaucher et c’est là qu’ils quittèrent les nains.

Publié dans Miroir des Chimères

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H
Absolument génial, j'ai prit du plaisir à lire ton récit, et j'ai hâte d'en voir la suite, c'est magnifiquement raconté !
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<br /> voilà qui fait plaisir! merci<br /> la suite, c'est deux fois par semaine je pense. Je vais essayer de m'y tenir.<br /> <br /> bisous.<br /> <br /> PS: ce pti gars est un talent prometteur. Si vous aimez le médiéval fantastique, allez lire son épopée fort sympatique.<br /> <br /> <br />
M
et bien, cela fait plaisir de lire un texte bien écrit. C'est quand m^me assez rare sur la toile finalement. m^me si je suis pas très fan de l'héroîc fantasy, je te felicite pour ton talent. en tout cas continue, ravi d'avoir découvert ton blog. Amicalement
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<br /> merci pour ces compliments agréables et puis ça m'encourage à continuer.<br /> En ce moment, je suis partie sur un autre projet trés différent, une histoire d'amour, (oui c pas trop mon domaine habituel) mais ça défoule. Des news d'ici peu.<br /> ++<br /> <br /> <br />